Les Bienheureux, génial créateur de spiritueux français

Guillaume Mastelotto, directeur commercial du groupe Les Bienheureux, nous raconte comment s’est fabriqué le groupe, ses marques phares, dont le whisky Bellevoye et le rhum El Pasador des Oro. Plongée dans un groupe qui est sous les feux de la rampe.

Quelle est l’histoire des Bienheureux ?

Les Bienheureux a été créé en 2013 par deux entrepreneurs, Alexandre Sirech, 55 ans et Jean Moueix de vingt ans son cadet.

Tout a démarré en 2000, lorsqu’Alexandre Sirech rencontra Jean-François Moueix, le père de Jean Moueix, dans le cadre de la vente de Chateaunet à Duclot.

Alexandre Sirech était à l’époque le dirigeant du site de vente de vins en ligne Chateaunet, qu’il avait lui-même créé quelques années auparavant lors de la première vague internet. Et les Moueix étaient les propriétaires de Duclot, négociant et propriétaire de Pétrus, qui avaient compris la nécessité de passer à l’ère de l’Internet. Alexandre Sirech vendit donc Chateaunet à Jean-François Moueix.

A la suite de la vente de Chateaunet, Alexandre Sirech intégra Pernod-Ricard chez qui il eut une carrière et deux faits d’armes notables : il géra l’Angleterre en des temps difficiles et incita Pernod Ricard à acheter Havana Club. Alexandre Sirech était même parti travailler à Cuba pour le compte de Pernod-Ricard et gérer Havana Club. Et c’est bien Alexandre qui fit passer le rhum cubain de 100 000 caisses à 1 million de caisses en 4 ou 5 ans.

Lorsqu’il rentra en France, coincé par sa clause de non concurrence qui l’empêchait d’aller travailler chez un concurrent, il créa pour son propre compte un vin d’assemblage de merlot bordelais et de syrah du Rhône… Une création audacieuse. C’est alors qu’Alexandre reçut un coup de fil de Jean-François Moueix. Son fils Jean qui était parti à Cuba connaissait quelques difficultés et avait besoin d’aide. Alexandre s’en débrouilla, et alors qu’il rendait service au père, il rencontra le fils. C’est alors que débuta leur amitié.

Quelques années plus tard, Jean Moueix proposa à Alexandre Sirech de co-créer avec lui Les Bienheureux. Un projet patriotique, une entreprise française, fiscalement domiciliée en France, qui ne serait pas subventionnée par l’Etat, qui rémunérerait ses salariés 2000€ minimum par mois, toujours en CDI, et qui rayonnerait dans ses territoires. A Louchats (à 50km de Bordeaux), nous sommes au milieu de la forêt. Nous faisons vivre ces lieux.

Nous avons lancé Les Bienheureux en 2015 avec 2 produits de niche : la cachaça Parati et le rhum Coro Coro. Puis, nous avons lancé le premier Bellevoye et le premier Pasador de Oro. C’est à ce moment que je revois Alexandre que je connais depuis quelques années. On a reconnecté et nous avons gardé contact, puis en 2017, Alexandre m’a proposé de le rejoindre pour pousser les marques à l’international alors que je travaillais depuis 10 ans pour L’Oréal. Je le rejoignis alors que entreprise venait de faire son 1er million d’euros en 2016.

On a alors ouvert une trentaine de pays en 3 ans. Il se trouve que j’ai aussi repris la France en 2019 et que je suis devenu associé dans l’aventure. Désormais, nous sommes 36 personnes et nous avons racheté la distillerie de Bercloux.

Quelle est la vision des Bienheureux ?

La vision des Bienheureux repose sur quelques certitudes :

  1. Nous créons nos marques
  2. Nous ne faisons pas de produits de niche
  3. Nous voulons être sur l’émotion
  4. Nous construisons toutes nos marques à travers la technique des verres noirs : nous choisissons, à l’aveugle, les meilleurs spiritueux du marché. On se remet en compétition face aux meilleurs, et notre jus doit être le meilleur, sinon, on ne le retient pas. A l’aveugle, le jus doit créer une émotion. Bellevoye Blanc, on a mis 4 ans à le lancer… C’est le temps qu’il nous à fallu pour battre Glenmorangie Nectar d’or à l’aveugle !

Quel est le savoir-faire des Bienheureux ?

Nous avons un winemaker d’exception, Olivier Dumont. C’était la « starlette » des années 90 et 2000, celui qui a obtenu 100 points Parker pour château de Fombrauge à l’âge de 25 ans ! Il nous est très précieux car il a le savoir-faire du vin, c’est-à-dire le savoir-faire de l’équilibre d’un produit instable à 12°, et cette précision est retranscrite dans les spiritueux qui sont globalement beaucoup moins sensible compte-tenu de leur titrage d’alcool. C’est un atout formidable.

Nous sommes aussi experts dans la sélection des barriques à travers notre connaissance de la tonnellerie. Nous ne faisons aucun compromis sur le choix des barriques. Traçabilité directe, sans souffre, et nos techniques de chauffe sont même déposées.

Enfin, nous avons une vision commerciale. Nous couvrons volontairement tous les canaux avec des marques spécifiques. Et nous avons un produit d’exception par price point. Notre whisky Lefort est vendu à 19€ en grande distribution, notre single malt Bercloux que nous venons de lancer est à 29€, Notre triple malt Bellevoye est à 39€, et le reste de la gamme s’échelonne à 49€, 59e, 69€ et 79€.

Enfin, nous avons nos propres céréales, notre brasserie pour réaliser nos brassins et désormais une distillerie avec Bercloux.

Comment s’est passé le décollage du whisky Bellevoye ?

Le whisky Bellevoye est le résultat de grandes séquences de dégustation. Alexandre et Jean goûtent 150 whiskies du monde. Ils aiment les jus fins, équilibrés, charmeurs, ronds et souples. Ils aiment Dalmore, Glenfiddich, les whiskies japonais. Ils goûtent les 30 distilleries françaises de l’époque en 2013 pour trouver le graal, mais se rendent compte qu’avec un seul single malt français, ils n’arriveront jamais à ce qu’ils recherchent. Ils sélectionnent les 3 meilleurs, les assemblent, mais ça ne suffit pas encore et décident alors de travailler dur sur des élevages pointus. Notre whisky Bellevoye est une synthèse des whiskies français : une synthèse des types de distillations ; des terroirs ; et des céréales.

Nous avons donc attendu d’avoir un excellent produit avant de lancer Bellevoye. Et le début de l’aventure s’est écrit avec les cavistes à Paris, alors couverts par Olivier, notre commercial de l’époque. Tout s’alignait alors, puisque le Made in France revenait en force avec le Slip français et toute la communication autour de la réindustrialisation française.

Nous sommes allés voir les agents Bollinger et Billecart pour leur proposer de prendre la carte de distribution des Bienheureux, et aujourd’hui, j’ai 42 agents en France. On était la carte de spiritueux en seconde ou troisième position. Nous sommes souvent en première désormais.

Aujourd’hui, le whisky Bellevoye réalise plusieurs milliers de caisses dans le monde. Nous sommes heureux de notre croissance, mais nous sommes encore jeunes. Nous sommes ambitieux et humbles à la fois.

Comment Pasador de Oro est-il devenu un succès ?

La première marque des Bienheureux aujourd’hui est Pasador de Oro.

Alexandre Sirech avait passé du temps à Cuba pour Havana Club où il découvrit le rhum de mélasse. Lui ne connaissait auparavant que les rhums agricoles. Il voulut alors assembler le rhum agricole et le rhum de mélasse. Cela a donné une première marque de rhum : Embargo.

Puis une seconde avec Coro Coro. Et c’est à l’occasion de ses nombreuses dégustations pour créer Coro Coro qu’Alexandre tomba sur un rhum du Guatemala formidable, doux, suave. Un rhum issu d’un miel de canne, ni agricole, ni de mélasse. Un rhum précis avec finition en solera. Un rhum qui méritait d’être traité à part. C’est alors qu’en 2015, il lance Pasador de Oro.

Le positionnement de Pasador de Oro est la clé de son succès. Le produit est très précis, il est à 17-20g de sucre par Litre versus Diplomatico qui est à 35g/L ou 40g/L pour Don Papa ; et avec deux euros de plus à l’époque de ces deux marques, Pasador de Oro devient « l’après Diplomatico » pour les consommateurs.

  1. Le jus. Issu de dégustation en verre noir.
  2. Le prix : 42€ au lancement, juste au-dessus de Diplomatico et Don Papa à l’époque
  3. L’émotion : la carafe est un code du luxe et elle est à 42€ !
  4. Campagne d’échantillons : nous sommes très généreux. C’est un énorme budget, mais je ne lâche rien là dessus depuis le premier jour. Tous mes agents doivent avoir des tonnes d’échantillons.

Ce qui est marrant, c’est que Pasador de Oro est une sorte d’anti-marketing. L’étiquette est doré sur beige, le nom est hyper long, bref, rien des codes qui marchent aujourd’hui !

Comment les Bienheureux sont-ils perçus à l’étranger ?

Dans certains pays, nous sommes auréolés d’un savoir-faire, ils savent que nous savons assembler, ils savent que nous sommes bons en tonnellerie et en packaging de luxe. Par exemple au Japon, ils ont trouvé notre proposition de valeur évidente, et le Japon a été un modèle, un succès. Mais dans d’autres pays, c’est nettement plus difficile. En Allemagne par exemple, ils ont 200 distilleries. Ce n’est pas facile de faire passer nos produits avant les leurs.

Fondamentalement, ce qui fonctionne, c’est l’effet de portefeuille. Si je ne vends pas de Bellevoye, je vends alors du Pasadorde Oro, qui ouvre de très beaux marchés dont les USA. Mais cela peut être le gin aussi avec l’Acrobate. J’ai un portefeuille qui m’aide beaucoup.

Avez-vous un message à faire passer aux cavistes français ?

Sans les cavistes, je ne serais pas là, c’est encore la moitié de mon CA. La cave est un endroit magique : il y a du conseil, du retour, les gens goûtent. Il y a de l’émotion, de la rencontre. Sans eux, les bouteilles qui vont de 40 à 100€ prennent la poussière. Et grâce à eux, et aux intéractions qu’ils ont avec leurs clients et mes équipes, j’ai des retours permanents, des remontées d’informations qui nous sont très bénéfiques.

Je pourrais aussi leur dire un mot au sujet des réseaux de cavistes Nicolas et des autres. Il ne faut pas que les cavistes indépendants soient trop exigeants de ce point de vue. En France, nous ne commercialisons qu’un million de bouteilles de whisky français, sur les 180 millions de bouteilles de whiskies vendues en France. Alors mon message serait : « Ne vous trompez pas de combat. Il faut que nous travaillions tous à valoriser les whiskies français. »

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