Interview par Léonard, notre Ambassadeur Cavistes
Jean-Luc, vous avez une importante sélection de spiritueux, c’est un choix délibéré en lien avec la demande ou par intérêt personnel ?
Ce n’est pas forcément un intérêt personnel mais j’ai toujours considéré que le métier de caviste ne se limitait pas au vin mais à toutes les boissons “alcoolisées”, même si maintenant je travaille très fortement le sujet des boissons non alcoolisées.
C’était aussi un élément un peu différenciant, j’ai commencé il y a 35 ans maintenant, il y avait peu de spiritueux chez les cavistes, ce n’était pas un sujet qui était considéré aussi noble que le vin.
J’ai toujours eu une large gamme, mais qui a été dictée surtout par l’originalité. Et en aucun cas je n’ai orienté mon choix par rapport à une demande.
Je cherche des liqueurs, des eaux-de-vie, des spiritueux qui sont idéalement inconnus de tous ! Ce serait formidable si personne ne les connaissait ! Plus c’est original, plus c’est pointu, moins c’est demandé et plus je trouve ça intéressant ! Partout il y a des gens qui cherchent des choses comme ça, qui ne les trouvent pas et qui ont plaisir à venir ici.
C’est vraiment une façon de faire venir dans notre boutique des gens qui ne seraient jamais rentrés si on avait une offre traditionnelle. C’est extrêmement important !
Avez-vous ressenti une évolution récente dans la consommation des eaux-de-vie de fruits?
On a ressenti au moment des fêtes de fin d’année un engouement au niveau de certaines marques d’eau-de-vie de fruits, des marques comme Etter par exemple. Peut-être parce qu’elles étaient moins bien distribuées, et certainement aussi parce que les gens ont compris que c’était une très belle marque. Ce sont des eaux-de-vie suisses exceptionnelles notamment en poire, en framboise et en coing.
A part ça, on ne peut pas parler d’engouement dynamique par rapport à d’habitude.
Excepté sur le Calvados (eau-de-vie de pomme) ou les ventes ont explosé depuis un an, la consommation a énormément augmenté peut être aussi parce que c’est une eau-de-vie qui n’était pas très sexy, que les gens redécouvrent et qui n’est pas inabordable. C’est un facteur important.
Comme c’est un eau-de-vie de fruit assez jeune c’est important aussi, on a des Calvados qui ont à peu près 3 ans d’âge et qui sont intéressants. Sachant que la plupart des consommateurs chez nous les achètent entre 12 et 15 ans d’âge.
Ils ont toujours cette idée que plus c’est vieillit, meilleur c’est, alors que ce n’est pas forcément le cas, loin de la.
J’ai également remarqué une légère augmentation de la consommation d’eau-de-vie de fruits du fait que des barmen en utilisent de plus en plus dans leurs cocktails.
Notamment des saveurs comme celle de la framboise ou de fleurs. Et forcément ça pousse à la consommation derrière.
Selon vous, à quoi est due l’augmentation de la consommation de Cognac? La mise en avant des producteurs ? Un meilleur marketing ? Une consommation différente ?
Je ne pense pas que ce soit le type de consommation qui ait changé, elle est restée plutôt identique. On en vend très peu (comparativement aux autres eaux-de-vie) aux professionnels de bar et aux restaurants. Excepté l’eau-de-vie de prune qui reste traditionnelle et quasi obligatoire dans tous les bars qui se respectent.
Mais sinon la consommation est toujours digestive, c’est l’idée du fruit qui est très marquée et qui malgré tout a subi un vieillissement. C’est ça qui intéresse le client. Pour les autres eaux-de-vie de fruits se sont plus des amateurs de longue date de ce genre de produit. Y’a pas de nouveaux consommateurs.
Avec le Calvados se sont des nouveaux consommateurs, c’est différent.
Des consommateurs plus jeunes ?
Oui plus jeunes, des trentenaires grosso modo, mais qui n’avaient pas pour habitude de consommer des eaux-de-vie de fruits, mais plutôt attirés vers des segments comme le rhum, le whisky ou autres. Les mêmes qui passent en ce moment sur des apéritifs à base de vin muté. Ce sont des gens qui viennent parce qu’ils savent que nous avons une offre importante.
Une offre significative en Calvados, ce qui n’est pas le cas chez les majorité des cavistes qui auront très peu de spiritueux.
Nous avons environ 40 références de Calvados, et c’est l’importance de la gamme qui fait que les gens se déplacent pour chercher tel ou tel produits.
Si on sort du Calvados, vous me parliez de la distillerie Etter, qu’a-t-elle de particulier ?
Oui Etter, une maison avec qui je travaille depuis plus de 20ans, qui sont des producteurs suisse de très grande qualité, qui travaille sans aucune adjonction d’essence de fruits dans les eaux-de-vie, c’est parfait, c’est pur. Et il y a quand même un impact sur la consommation de ce produit grâce à la grande restauration, cela crée des gens qui apprécient et qui recherchent ce style d’eau-de-vie.
La restauration est un vecteur important pour que le consommateur découvre un produit et le recherche derrière.
Avez-vous en tête des produits qui vous ont marqués ? Qui sortent vraiment de l’ordinaire ?
Oui chez beaucoup de producteurs que je rencontre j’ai souvent des eaux-de-vie qui sont particulièrement réussies. Vous avez de plus en plus de petites productions artisanales, je pense notamment à la Distillerie du Petit Grain qui fait des eaux-de-vie exceptionnelles en petites quantités. Il y a une volonté depuis quelque temps de refaire des produits typiques, français, de fabrications artisanales et de grandes qualités.
Qu’est ce qu’une eau-de-vie réussie pour vous ?
Pour moi, c’est une eau-de-vie qui va exprimer au mieux la pureté du fruit à l’origine. On ne veut surtout pas des choses édulcorées qui vont dénaturer la saveur originelle du fruit. Il faut qu’on ressente un fruit parfaitement mûr récolté à maturité optimale et qu’on ai l’impression de croquer dans ce fruit. Donc ça va demander une distillation très performante, pointue, des bons alambics et un talent de distillateur. Ce ne sont pas des produits qui vont être travaillés pour leur apporter une originalité. C’est pas ça pour moi une belle eau-de-vie. Quand on parle d’eau-de-vie de fruits, on parle de fruits, il faut qu’on sente un fruit exceptionnel et exceptionnellement bien travaillé.
Est-ce que, comme pour le vin, le terroir à une influence sur l’eau-de-vie finale ?
Le terroir va avoir une influence sur le fruit en lui-même, ça c’est clair. Mais au moment de la distillation c’est la qualité du fruit qui va faire la différence. L’origine même du fruit et son terroir auront une influence anecdotique sur le produit fini. L’influence des conditions géologiques dans lesquelles l’arbre va pousser ne seront pas les mêmes, mais je pense que ça sera difficilement perceptible.
Est- ce-que vous avez déjà ressenti des émotions avec des eaux-de-vie de fruits ?
Ah oui ! Avec certaines eaux-de-vie de poire de chez Etter par exemple, des eaux-de-vie à base de mandarines de la Distillerie du Petit Grain qui sont exceptionnelles, ou encore des produits de chez Manguin. J’ai également eu des émotions sur des Calvados extraordinaires.
Quel est le mode de consommation idéal pour une eau-de-vie ?
Selon les eaux-de-vie je pense qu’il peut être intéressant de les rafraîchir un petit peu. Ça dépend évidemment de la température ambiante, il ne faut pas qu’il fasse trop chaud parce que ça peut vite devenir brûlant en bouche. Mais c’est le verre que vous allez rafraichir, surtout pas de glaçons dans une eau-de-vie, ce n’est pas possible 😉
Le mot de la fin pour quelqu’un qui aimerait découvrir les eaux-de-vie ?
Pour moi les meilleures eaux-de-vie sont celles qui vont régaler le plus mes clients. Et le constat de tous les jours, c’est que ce qui va apporter le plus de plaisir, d’émotion, c’est pas l’eau-de-vie la plus exceptionnelle. C’est plutôt en fonction des aptitudes de chacun à percevoir ou pas certaines choses. Mon métier c’est de permettre aux personnes qui viennent et qui me font confiance d’avoir l’émotion la plus forte !
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Les Caves du Roy
31 Rue Simart, 75018 Paris
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