Frédéric Revol et son approche vigneronne du monde du whisky français

Racontez-nous le Domaine des Hautes Glaces, distillerie des Alpes 100% bio

L’aventure a commencé il y a maintenant un peu plus de 12 ans. Avant de lancer le projet, je travaillais en conseil sur la place du vivant dans la production agroalimentaire, dans le vin et en tant qu’amateur de spiritueux et de whisky en particulier. Je trouvais que cet univers était génial de diversité et pour autant, il était très concentré en termes de savoir-faire et de marketing sur la question de la transformation : la distillation, l’élevage… 

C’était ces éléments qui étaient utilisés pour décrire la diversité et la richesse de cet univers. 

Avec mon parcours, la question du vivant et du lien à la terre était selon moi totalement oubliée alors que comme tout produit de la terre, le rapport à la matière première était primordial. La question que je me posais, c’était “qu’est ce que goûterai un whisky, si ce n’était pas un copié-collé de ce que faisaient très bien les écossais, les irlandais et les japonais mais en remettant la matière première, à savoir la céréale, au cœur du processus et au cœur du goût, en bref, aller creuser la notion de terroir dans le monde du whisky !”

Quels sont les éléments distinctifs de votre production ?

J’ai donc créé une ferme dont la vocation était de produire du whisky, une approche presque vigneronne du monde du whisky, avec une forte notion de terroir

Dans cette notion de terroir, il y a le rapport à la terre, une terre vivante et fertile, où ce terroir s’exprime d’autant plus qu’il y a un travail autour de cela. La terre peut être un simple support de production, auquel on ne s’intéresse pas beaucoup et on tombe dans l’agro-industrie, on utilise beaucoup de chimie, beaucoup d’intrants…. Ou au contraire, on peut essayer d’aller travailler à sa fertilité, à sa vitalité, à son expression et, en terme agronomique c’est l’approche que nous avons adoptée avec le Domaine des Hautes Glaces, une agriculture biologique et régénérative.

Et au-delà de la dimension agricole, en France, il n’y avait pas à l’époque de tradition whisky mais pourtant il y avait des savoir-faire à toutes les étapes de transformation. Autant donc s’appuyer sur tous ces savoir-faire, quitte à les réinterpréter pour pouvoir faire du whisky. On est un gros pays de maltage, de fermentation. Pour la distillation je me suis appuyé sur des savoir-faire cognaçais. Et en termes d’élevage, on a une magnifique tradition tonnelière française, donc utilisons la avec toute la diversité possible du chêne français

Le terroir, c’est une notion qui a bien évidemment un lien fort avec la terre mais aussi avec tous les savoir-faire disponibles localement et comment on peut les réinventer et jouer avec. Et ce n’était pas très courant il y a 12 ans !

Et pourquoi avoir créé cette ferme en Isère, en pleine montagne ?

J’ai débarqué dans le Trièves, au Sud des Alpes car j’avais de vieux amis qui étaient agriculteurs bio et qui m’ont tendu la main en me prêtant des terres pour commencer ! Et cette question de la terre était cruciale dans mon projet.

Le Trièves, c’est la petite région bio la plus agricole d’Europe et c’est donc un lieu très ouvert à ces questions, où la solidarité et l’entraide étaient clairement plus évidentes.

C’est un aussi un territoire de montagne, très préservé, on est presque au toit du monde agricole européen car en Europe on ne cultive rien au dessus de 1400 mètres d’altitude et nous avons décidé de cultiver nos terres entre 800 mètres et 1300 mètres. 

Et enfin, ce choix a aussi été fait car si le terroir doit s’exprimer, aller dans un lieu où on est à l’extrême pouvait permettre de révéler davantage l’expression du terroir. Les premiers semis ont eu lieu en 2008.

Parlez-nous de vos produits issus de ce terroir

Notre gamme s’est construite chemin faisant, en faisant déguster et découvrir notre évolution au fur et à mesure de notre production. Depuis 3 ans, elle s’est stabilisée autour de deux propositions.

D’un côté, nous avons Les Moissons, qui est un diptyque. Moissons Malt qui est un single malt 100% orge maltée. C’est un micro assemblage, réalisé tous les ans, à partir de 10 à 14 fûts, de différents millésimes et de différentes parcelles du domaine. Et Moissons Rye qui est son équivalent en 100% seigle malté. Cette année, Moissons Rye, c’est un assemblage de 11 fûts, issus de deux parcelles et de cinq millésimes différents.

Ce sont des cuvées permanentes dont nous produisons un nouveau batch chaque année mais pour lesquelles on retrouve la même signature, grâce à l’art de l’assemblage

Et nous avons en parallèle de nombreuses cuvées, en édition limitées, qui sont généralement des bruts de fûts et qui sont “des perles de chais”. Quand on goûte les fûts au quotidien, nous isolons certains que nous trouvons exceptionnels ou atypiques et nous les embouteillages généralement en single cask. Ce sont donc des whiskies d’une seule parcelle, d’une seule moisson, généralement embouteillés en single cask. Nous avons entre 3 et 6 éditions par an qui sont parfois récurrentes mais qui ne sont pas issus des mêmes parcelles (comme Flavis ou Ceros par exemple…). 

Et cette année, nous allons ressortir Woska, que nous avions lancé au tout début de Domaine des Hautes Glaces. C’est une eau-de-vie de seigle, distillée 3 fois et que nous élevons en cuves (pour ne pas avoir d’apport de bois mais pour que le temps fasse son œuvre). Woska, c’est un produit à deux lettres de Whisky et à deux lettres de Vodka ! C’est un produit qui plaît beaucoup à l’univers du bar notamment.

Qu’a changé l’entrée au capital de Rémy Cointreau ?

En 2016, le groupe Rémy Cointreau a frappé à la porte de notre domaine car les valeurs que nous portions étaient très proches de celles de ce groupe familial français. L’idée était de faire du domaine quelque chose d’un petit peu plus ambitieux qu’une ferme distillerie de montagne tout en restant fondamentalement sur les mêmes valeurs : un sourcing local et une production bio. Depuis l’entrée au capital de Rémy Cointreau en 2017, nous avons pu agrandir l’équipe (nous sommes désormais une dizaine de personnes). L’idée est de passer d’une ferme à une micro filière de montagne : nous sommes aujourd’hui 15 producteurs paysans, rassemblés sous une association qui s’appelle Graines des Cîmes

Nous avons aussi construit une nouvelle distillerie qui nous a permis d’augmenter notre capacité de production : augmentation de la taille du brasseur, des cuves et du nombre d’alambics (de 2 à 4.5). Nous pouvions produire avant jusqu’à 25 000 litres et aujourd’hui nous avons une capacité de 70 000 à 80 000 litres. Cela va nous permettre de pouvoir retourner à l’export tout en préservant la distribution sur le marché français que nous avons privilégié depuis le début.

Et comment vous inscrivez-vous dans l’univers du whisky français ?

Nous nous sommes tous réunis il y a quelques années autour d’une fédération, celle des Whiskies de France, pour créer de la solidarité, de l’échange et de la discussion. Il y a beaucoup de savoir-faire, de diversité et il fallait créer une cohésion pour créer la catégorie. Nous sommes nombreux désormais, il y a plus d’une centaine d’adhérents. Et quand bien même les différences entre nous, cela crée une vraie énergie avec des rencontres et une vraie diversité tant au niveau produit qu’au niveau du type d’opérateurs. Qui aurait cru un jour qu’il y aurait des embouteilleurs indépendants de whisky français

Eclair

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