Production et consommation durables, un défi pour l’industrie des spiritueux

By Jessica Banhares | La Cave des 7 Îles

Consommateurs, distributeurs ou producteurs, nous sommes tous concernés par les enjeux climatiques et environnementaux, et l’industrie des spiritueux ne fait pas exception. Depuis quelques années, on peut noter une prise de conscience globale et c’est un premier pas. 

Aujourd’hui, il est grand temps de passer à la vitesse supérieure et donc d’AGIR, ce qui nécessite une réelle évolution des mentalités.

Un critère essentiel : producteurs & environnement

On constate que les consommateurs s’intéressent de plus en plus à ce qu’ils mangent et boivent, ce qui est une très bonne nouvelle ! 

D’ailleurs, une des questions qui revient le plus souvent lorsque je dis que je suis caviste indépendante, c’est comment je fais mes sélections ? C’est en effet une des particularités de notre métier, nous choisissons l’intégralité des produits que nous avons en boutique. 

En ce qui me concerne, en dehors du rapport qualité/prix/plaisir, un des critères qui me tient beaucoup à cœur est le positionnement du viticulteur/brasserie/distillerie sur les sujets environnementaux.

Nous avons la chance de rencontrer des personnes passionnées qui ont des idées innovantes et mettent en place des actions pour produire de manière plus éthique, durable et responsable. Cela me semble logique et naturel de mettre en avant ces producteurs.

L’industrie des spiritueux ayant un impact environnemental assez conséquent, tant en matière de consommation d’énergie que d’empreinte carbone, quelques acteurs du secteur ont décidé de s’engager, de s’adapter, d’évoluer et d’agir afin de limiter au maximum leur impact environnemental. 

C’est justement de ces actions et de ceux qui les mettent en œuvre, dont je vais parler dans cet article.

Consommer bio et local

La crise sanitaire que nous traversons depuis l’année dernière a favorisé l’envie de consommer plus localement en se souciant plus de l’environnement. Beaucoup de personnes se tournent vers une offre de produits bio par exemple. Il faut rappeler qu’un des principes fondamentaux de l’agriculture biologique est d’avoir une démarche plus respectueuse de la nature et de la santé des personnes. 

Pour cela, les producteurs vont mettre en place des pratiques qui respectent le sol afin de recréer des écosystèmes productifs et pérennes permettant d’avoir un sol et des plantes en bonne santé (que ce soit la vigne, la canne à sucre, les céréales…), qui pourront davantage exprimer les qualités de leur terroir. 

Si l’on constate un véritable essor des vins bio, le marché des spiritueux est un peu plus long à tendre vers cette forme d’agriculture. Du fait de la distillation, le spiritueux bio n’a pas forcément meilleur goût, c’est pourquoi beaucoup de distilleries hésitent à franchir le pas.  Néanmoins, cette forme d’agriculture permet de protéger la terre, de préserver les ressources en eau, de réduire fortement la pollution de l’air, limiter notre  impact sur la faune et la flore et contribuer ainsi des humains en meilleure santé….cela me paraît être des raisons suffisantes pour se lancer, non ?

On peut d’ailleurs citer la distillerie écossaise Benromach, précurseur dans l’univers des spiritueux bio avec son excellente cuvée Organic, sortie en 2006. C’était alors le 1er spiritueux à passer tous les contrôles (orge, maltage, fermentation, distillation, embouteillage) et recevoir ainsi la certification de l’UK Soil Association. Pour aller jusqu’au bout de la démarche, Benromach utilise même des fûts de chêne américains neufs, provenant de forêts durables. 

Benromach fûts de chêne neufs

Énergie, empreinte carbone et sensibilisation

S’il est essentiel que la production d’alcools se tourne vers une agriculture bio, on peut mettre en avant trois grands secteurs, dans lesquels l’industrie des spiritueux peut également agir de manière significative.

  • La consommation d’énergie  
  • L’empreinte carbone 
  • La sensibilisation et l’éducation 

Pour illustrer mes propos je vais vous parler de 3 distilleries, qui sont des références incontournables aujourd’hui chez les cavistes, et qui s’engagent sur différents fronts pour produire de manière durable Rozelieures, Diplomatico et Flor de Caña.

Repenser la consommation d’énergie

C’est un fait avéré, produire du rhum, whisky, gin, vodka… est très énergivore.  Pour que l’on puisse continuer à se régaler avec ces breuvages que l’on aime tant, c’est un des domaines dans lequel l’industrie doit faire de gros progrès.

Lorsque l’on parle d’engagement écologique, il est impensable de ne pas citer la distillerie Flor de Caña, productrice de rhums d’exception, au Nicaragua.

Elle fait partie des leaders du secteur pour ses pratiques durables, notamment car elle distille avec 100% d’énergies renouvelables. Elle utilise la bagasse (un résidu de la canne à sucre) et la transforme en granulés, afin de pouvoir la brûler ensuite. Cette combustion va dégager de la vapeur, ce qui va faire tourner des turbines et donc produire de l’électricité tout en recyclant les déchets.

Un autre exemple très performant dans ce domaine est la méthanisation, que pratique la distillerie française Rozelieures, basée en Lorraine.

Rozelieures methanisation
La bulle de méthanisation à Rozelieures, en Lorraine

Afin de tendre vers une autonomie énergétique et traiter ses déchets, la distillerie s’est associée avec deux agriculteurs du village afin de construire une fosse de méthanisation. On va donc recycler les drêches (résidus d’orge suite au brassage et à la distillation du whisky), et y ajouter les effluents d’élevages, ce qui va produire du gaz. Celui-ci est transformé en électricité et permet ainsi à la distillerie de produire 80% de l’énergie qu’elle utilise et d’alimenter plusieurs familles du village.

Cette technique permet donc de :

  • réduire les volumes de déchets organiques
  • réduire les émissions de méthane (puissant gaz à effet de serre)
  • contribuer à la production d’énergie renouvelable sous forme de biogaz

Enfin, la fameuse distillerie Diplomatico, au Venezuela, très impliquée aussi pour produire de manière plus durable, a réduit sa consommation d’eau de moitié ! Pour cela, ils recyclent l’eau qui sert à refroidir les alambics ou à nettoyer les cuves, et s’en servent pour irriguer leurs plantations. 

Réduire l’empreinte carbone

C’est un outil qui permet de mesurer l’impact des activités humaines sur les changements climatiques, et elles sont nombreuses. Il y a donc plein dans de domaines dans lesquels on peut agir : le recyclage des déchets, le transport, les emballages, l’approvisionnement en matières premières… Dans l’industrie des spiritueux, la quantité de déchets générés est nombreuse, d’où l’importance de les recycler. Il y a plein de façons de le faire, on peut s’en servir pour produire de l’électricité comme nous l’avons vu plus haut.

Diplomatico transforme la vinasse (résidu liquide de la distillation) en engrais pour leurs champs. Ils se servent également de la bagasse pour nourrir le bétail, étant donné qu’elle est très riche en fibres et en sels minéraux.

Le transport fait également partie des domaines qui a l’impact le plus lourd. Pour cela, limiter le transport et s’approvisionner localement est idéal, comme le font les trois distilleries en question, qui produisent eux-mêmes leurs céréales et leur canne à sucre.

Flor de Caña est encore une fois un exemple en termes d’impact environnemental puisque c’est l’unique distillerie au monde à avoir non seulement une certification de carboneutralité mais aussi de Fair Trade (commerce équitable), ce qui montre leur engagement. Tout le CO2 émis lors de la fermentation est capturé et recyclé. De plus, ils replantent 50 000 arbres par an depuis 2005, soit 800 000 arbres en 16 ans. 

Repenser le packaging est une démarche pratiquée par Diplomatico qui se tourne vers des bouteilles en verre recyclé et garantit que 100% des matériaux d’emballage utilisés sont recyclables.

Sensibiliser et éduquer

Que ce soit les employés, ou les populations locales, il est incontournable de passer par ces étapes.

Flor de Caña a fondé une école en 1913 afin d’offrir une éducation gratuite aux enfants de ses employés, ainsi qu’un hôpital en 1958 qui garantit un accès aux soins gratuit pour le personnel et leur famille. Afin d’impliquer la communauté, chaque employé se voit attribuer une prime qu’ils doivent investir dans un projet local de leur choix (projets environnementaux, des bourses d’études, construction d’un terrain de foot pour le village…)  

De son côté, Diplomatico organise chaque année des activités de nettoyage le long des rivières et des forêts qui se trouvent autour de la distillerie. Ils font également travailler des populations autochtones pour la cueillette des baies d’Amazonie pour l’élaboration de leur gin, et reversent 10% de leurs ventes à une ONG qui redistribue aux populations locales.


Voilà quelques exemples, parmi d’autres, d’actions qui permettent de tendre vers une production durable, respectueuse de l’environnement et des hommes. C’est à nous aussi, les cavistes, de sensibiliser nos clients en mettant en avant ces distilleries, qui trouvent des solutions pour limiter leur impact écologique, tout en produisant d’excellents spiritueux.

Merci à Jessica pour cette tribune ! Si vous souhaitez faire un détour par La Cave des 7 Îles, c’est par ici

Eclair

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