Bottl.culture

#1. Le vin : quel acteur !

Chroniques sociales d’un épicurien
By Jean-Baptiste Maugars, Directeur Général | Vins & Spiritueux | Fine-food | Art de vivre 

La soirée est lancée, tous les invités sont arrivés, il est temps de se mettre à table. Vous avez réalisé votre menu en prenant soin de l’équilibre des plats et du bon respect des recettes. Vous avez résolu de ne pas servir de fromages « les tuiles de parmesan à l’apéritif feront oublier le plateau de fromages », vérifié le stock des spiritueux « tu sais qu’un bon malt avec le moelleux au chocolat, c’est top » et l’épreuve du plan de table vient de s’achever.

Les rideaux s’ouvrent.

Vous apportez alors, avec soin et sans emphase, la première bouteille de vin. Or, s’il est bien un moment familier que nous appréhendons parfois, et qui pimente la vie sociale – véritablement sociale, c’est à dire en dehors des réseaux dits sociaux, c’est celui de l’arrivée du vin sur une table, puis des commentaires relatifs à sa découverte et sa dégustation.

Dans ce théâtre que représente notre repas français, l’apparition la plus sensible est bien celle du divin breuvage, un personnage connu des seuls metteurs en scène -les hôtes-, mais jugé par tous. 

Pourquoi ce moment est-il particulièrement intense en France ? Car c’est un pays phare en termes de consommation, de production, de prescription, et qui a un rapport ancien, culturel et charnel avec ce produit : c’est l’un des rares pays au monde où le vin et la gastronomie peuvent représenter un sujet exclusif de conversation ; et les gaulois sont des coqs, poseurs et bavards… Roland Barthes l’avait noté: « Savoir boire est une technique nationale qui sert à qualifier le Français, à prouver à la fois son pouvoir de performance, son contrôle et sa sociabilité. » (Mythologies).

Le grand théâtre.

Cet événement provoque une cristallisation de clichés familiers :

Finalement dans cette scène classique – et ses variantes, le vin est important non pour ce qu’il est mais par ce qu’il produit ; il provoque, mais n’est pas intégré. Il agit comme le révélateur d’un tirage photographique, il éclaire la scène, ses personnages et leurs personnalités, mais disparaît du cadre.  Catalyseur idéal, il dépasse sa fonction première en devenant un objet culturel, un marqueur social, un réceptacle sensoriel

Le vin est entré dans notre théâtre, mais il a disparu de notre intimité.

Une suggestion : ne prêtez pas un rôle au vin. Il est assez subtil pour décider lui-même de l’importance qu’il prendra, et du rôle qu’il jouera – fût-il secondaire. Ne parlez-pas trop, buvez les paroles du vin.

Et c’est ainsi que Bacchus est grand.